Tuesday, August 14, 2012

LES TUEURS CONTINUENT, PAR LE PHILOSOPHE ANDRE GLUCKSMAN

Tandis que les Jeux olympiques de Londres fascinent le public mondial et que les chars et les avions massacreurs de Bachar Al-Assad gâchent, sans plus, le plaisir des âmes sensibles, la démission de Kofi Annan est accueillie par un silence tout estival. Pourtant, quand le médiateur de l’ONU en Syrie jette l’éponge, toute une époque s’achève en fiasco honteux. Ce Prix Nobel fut tour à tour numéro 1 puis numéro 2 de l’organisation internationale, diplomate ghanéen affable, il afficha des sentiments bienveillants, humanitaires et pacifiques récompensés par des résultats catastrophiques.

En tant que numéro 2, responsable des opérations de maintien de la paix en Bosnie et au Rwanda, sa passivité couvrit le génocide des Tutsi par les Hutu. Pour les oublieux : 1994, 800 000 civils assassinés à la machette en trois mois. Kofi Annan refusa d’envoyer au général Dallaire 5 000 casques bleus pour stopper le génocide. Il publia après coup ses regrets. Plutôt qu’une sanction, notre homme reçut une promotion et devint secrétaire général de l’ONU (1997-2006). Il ne pipa mot lorsque Vladimir Poutine entreprit de rayer du nombre des vivants un Tchétchène sur cinq.

Fallait-il croire que ce petit peuple d’un million d’habitants comptait 200 000 terroristes ? Silence analogue devant la dernière famine politique du XXe siècle (1998-2000) : en Corée du Nord communiste, la faim organisée fit entre un et deux millions de victimes, avec des scènes d’anthropophagie en prime. Kofi Annan, soutenu par les nations démocratiques ou non, se contentait de respecter à outrance les souverainetés nationales : charbonnier est maître chez lui, quel que soit le crime qu’il commet sur les siens. Une fois, le coeur de ce bienveillant se souleva : « Le Darfour, c’est l’enfer », clama-t-il en condamnant le gouvernement de Khartoum. Rien n’a changé pour autant. Très infatué de ses hautes responsabilités – « Nous sommes la conscience du monde », proclama-t-il en 1995 lors du cinquantenaire de l’ONU. Sa démission le 2 août sonne le te deum des désengagements de toute sa vie.

Alors qu’animé des meilleures intentions Kofi Annan essuie échec sur échec, Vladimir Poutinevole de succès en succès. Il dissimule de moins en moins son cynisme meurtrier, qui n’échappe qu’à ceux qui s’abusent volontairement. Il confirme officiellement n’avoir jamais programmé de s’effacer devant notre coqueluche, le supposé « libéral » Dmitri Medvedev, qui fut, est et demeure son permanent valet porte-coton. Il réitère sans fléchir que toute opposition démocratique en Russie est ramassis de comploteurs stipendiés par les services secrets étrangers, de préférence américains.

Ces derniers jours, il s’est vanté d’avoir armé et préparé depuis 2006 les milices d’Ossétie du Sud pour attaquer la Géorgie, ce qui en dit long sur les responsabilités de la guerre russo-géorgienne de 2008 et sur les crimes desdites « milices » que le Kremlin affirmait dur comme fer indépendantes et incontrôlables. Au mérite de Poutine, expert absolu ès mensonges et calomnies, il faut relever son absence d’hypocrisie, voilà un homme qui ne cache pas son jeu, il affiche haut et fort son pouvoir délétère.

Peu importe, si la Russie ne brille guère par sa modernité et la croissance de son économie, peu importe qu’elle atteigne des sommets en matière de corruption (le niveau du Zimbabwe), de mafias politico-financières, peu importe son nihilisme judiciaire et bureaucratique ! Poutine ne prétend pas, à la mode marxiste-léniniste, faire rêver l’humanité ni lui promettre un avenir meilleur. Il lui suffit d’agiter dans le présent ses dispositifs de destruction massive.

Pas exclusivement ses joujoux nucléaires, pas uniquement sa formidable panoplie d’armes conventionnelles utilisées et livrées selon son bon plaisir, pas seulement sa capacité énergétique avec les chantages pétro-gaziers à la clé. Loin de tirer à vue et au coup par coup, le prince post-marxiste s’érige puissance mondiale en élaborant une stratégie de nuisance tous azimuts.

Par un phénomène de vases communicants, la chute de la « conscience du monde » annanienne est corrélée à la montée en puissance poutinienne. Plus l’ONU échoue à protéger les civils (la résolution 1973 demeure une exception et le sauvetage de Benghazi reste l’oeuvre de David Cameron et Nicolas Sarkozy), plus s’étend la zone grise où les civils sont livrés à la fureur des avions et des tanks, plus Poutine s’érige en recours suprême des despotes, minoritaires mais surarmés : il les protège des interventions extérieures par son veto au Conseil de sécurité et s’intronise parrain des parrains.

Aux rouges et gâteux conducteurs de peuples succède un éternel KGBiste, sans scrupule et sans retenue. Il faut être aussi naïf qu’un diplomate du Quai d’Orsay et de la maison de verre new-yorkaise, ou tout simplement obsédé d’élection locale, comme Barack Obama et ses semblables européens, pour imaginer, une seconde, que le bourreau du Caucase puisse s’horrifier de la liquidation d’Alep, Homs et Damas. « 20 000 en un an ! », s’offusquent la presse et les ONG démocratiques. « Seulement ? ! », sourit Poutine, Bachar Al-Assad, encore un effort !

Ne spéculez pas sur les sentiments charitables des dirigeants russes. Ils ont senti le vent du boulet, offusqués qu’ils furent par la vue des rues moscovites plusieurs fois submergées par la protestation. Tout ce qui peut stopper net la contagion émancipatrice des « printemps arabes » intéresse la camarilla soucieuse de sa propre survie. Si Poutine protège Assad, c’est qu’une potentielle victoire d’Assad protège Poutine. Une rébellion écrasée dans le sang, façon Tchétchénie, aurait valeur d’exemple et d’avertissement pour le peuple russe et les « voisins proches ».

Inutile de reproduire l’ingénuité feinte ou sincère d’un Kofi Annan. Inutile d’accumuler conférence sur conférence (après les vacances de préférence). Inutile de s’accorder délai de réflexion sur délai d’inaction. Inutile d’ajouter les mollahs iraniens, voire le pape, aux tables rondes sur la Syrie. Tant qu’on préfère imaginer que le chef du Kremlin n’a pas conscience de faire sciemment le bonheur des tyrans et le malheur des populations, l’enfer s’accroît.

Depuis un an, des civils syriens résistent à un régime tortionnaire et criminel. Bien entendu, les révoltés ne sont pas tous des anges tombés du ciel des idées, purs de toutes exactions, celles-ci se multiplieront à mesure que l’univers les abandonne désarmés et laisse commettre l’irréparable.

La comédie du recours ultime au Conseil de sécurité a assez duré. On ne peut indéfiniment attendre que la paupière de Poutine (et celles de ses camarades chinois) s’humecte, ou qu’une fibre d’humanité palpite dans la poitrine du tchékiste. L’échec de Kofi Annan est celui d’une communauté internationale rêveuse, qui depuis vingt ans abandonne son destin aux unanimités bidons d’un Conseil de sécurité soumis aux diktats de saint Vladimir, patron de la Loubianka.

André Glucksmann, philosophe et essayiste Le Monde



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David Orbach plays Flamenco

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Adieu la France Adieu l'Algerie

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