Wednesday, August 15, 2012

TOUS ENSEMBLE, RAV AVINER

Question – Nous sommes si divisés ! Ne comprenons-nous pas que, par cela, nous détruisons de nos propres mains notre vie et notre Thora ?

 

Réponse : Vous avez touché le point sensible. Comme on le sait, toutes les bonnes prophéties de Bil.am se sont transformées en malédiction sauf : "Quelles sont bonnes tes tentes, Jacob, tes tabernacles, Israël" ! (Nom. XXIV, 5), c'est-à-dire les synagogues et les académies religieuses, très nombreuses, grâce à Dieu, mais leurs dissensions et leur dissémination expliquent également leur grand nombre puisqu'elles reflètent les différents courants – parfois conflictuels – du Judaïsme.

Si nous avions été unis, nous aurions triomphé depuis longtemps de nos ennemis ; et si les religieux n'avaient fait qu'un, quelle aurait été leur influence!?

La division – l'une des manifestations du Satan – règne parmi nous, certes, avec moins de virulence qu'à la période du premier Temple où les guerres civiles déchiraient les deux états (le Royaume de Judah et celui d'Israël), guerres qui ont coûté la vie à plus de 500 000 Juifs.

En passant, signalons qu'en général les Philistins n'ont pas mis à profit ces guerres civiles pour nous attaquer. L'étonnement n'est qu'apparent ; en réalité, ils mettaient cyniquement en pratique la maxime bien connue de nos Sages qu'on pourrait paraphraser comme suit : "Si nous, Philistins, en avons le mérite, notre travail se fait par d'autres" ; en d'autres termes, pourquoi faire la guerre aux Juifs puisqu'ils s'entre-tuent très bien sans nous?!

Une ville était divisée quant au choix d'un Rabbin pour la diriger. On fit appel à Rabbi Yossef Bèr de Brisk pour trancher le litige. "Qui nous donnera de la viande à manger" (nom. XI, 4) (les directives nécessaires) se plaignirent les habitants de la ville auprès de lui ? "Où pourrais-je trouver assez de viande à donner à tout ce peuple" (ibid. ibid. 14) ? "ai-je une boucherie à ma disposition" ? En guise de réponse, Dieu prescrivit à Moïse de désigner 70 Sages pour diriger le peuple avec lui (cf. ibid. 15). Par-là, le problème serait-il résolu ? Les 70 Sages en question se feraient-ils bouchers ? Et le Rav de Brisk d'expliquer cette paraphrase en disant : "Je vois combien il vous est difficile de choisir un Rabbin entre deux ; qu'adviendrait-il si vous deviez choisir 70 Sages?! Il y aurait eu tant de controverses que vous n'auriez plus pensé à demander de la viande" !

En soi, la diversité est une valeur, pourvu qu'elle ne s'accompagne pas de querelles ou d'anathèmes. Constamment, Abayé et Rava – les deux éminents Maîtres du Talmud – étaient en controverses ; pourtant, ils étaient aussi "compagnons d'étude". Qui ne connaît pas l'opposition légendaire entre l'Ecole de Hillel et celle de Chamaï ? Pourtant, leurs adeptes s'échangeaient des ustensiles et se mariaient d'une Ecole à l'autre (d'après Traité "Yévamot" 14 b).

Que d'anecdotes pourrait-on raconter sur les dissensions dans les synagogues ! Celle de se "Mitnagued" (rationaliste), par exemple, qui devait officier dans une synagogue "hassidique" (mystique) qui cherchait à tout prix à imposer le libellé de sa prière, quitte à employer la restriction mentale ! Bien entendu, chez les grands Maîtres d'Israël, la volonté de concilier les valeurs de deux libellés différents s'effectue pacifiquement. Ainsi, le rav Kook – qui priait suivant le libellé ashkénaze – s'efforçait, après la prière de la Néoménie, d'aller entendre la Prière de "Kéter" chez les Séfarades (car les Ashkénazes omettent ce passage( (cf. ".olat Réiya" II, 490), passage qui, entre autres, atteste de l'unicité au sein des mondes supérieurs et de l'harmonie qui règne entre les anges, si différents les uns des autres et pourtant si unis dans la pratique du Service divin, car ils connaissent la Vérité (cf. "Sentier de Rectitude", Chapitre XI). Ainsi, Gabriel et Michaël (anges qui expriment respectivement la Modalité du feu et de l'eau) remplissent deux fonctions opposées ; pourtant, ils comprennent que chacun d'eux a sa fonction spécifique, vitale pour le bien de l'ensemble, et telle est l'attitude d'esprit qui doit également nous inspirer, même si nous ne sommes pas des anges !

Au monde futur, enseignent nos Sages, Dieu fera une ronde pour les Juste ; chacun d'eux Le montrera du doigt en disant : "Voici notre Dieu en qui nous avons mis notre confiance pour être sauvés" (Traité "Ta.anit" 31 a sur Is. XXV, 9). Engagé dans la ronde, chaque Juste a, de Dieu, une perspective particulière ou, en d'autres termes, Le saisit suivant l'un de Ses Attributs. Peu importe, expliquent nos Sages, puisqu'ils dansent ensemble en se donnant la main.

Dieu veut qu'on Le serve en étant tous ensemble, "les érudits en matière de Thora multiplient la paix dans le monde", sans être forcément du même avis (d'après ".olat Réiya" I, 330), car ils comprennent qu'ils se complètent, que chacun a une tâche particulière à accomplir et que, précisément, c'est par cette unité, au-delà de la diversité, qu'ils font le mieux la louange de Dieu.

 

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